Comportements suicidaires chez les adolescents et prévention

Paru le 04/02/2021

Dans le cadre des travaux de l’Observatoire national du suicide (ONS), la MiRe a lancé en 2018 un appel à projets de recherche sur les comportements suicidaires des adolescents et leur prévention. Il avait pour objectif d’encourager et de financer la réalisation de travaux scientifiques en sciences humaines et sociales (sociologie, psychologie, économie, sciences de l’éducation, etc.), en biostatistique ou en épidémiologie ayant pour objectif d’éclairer les comportements suicidaires des adolescents, aussi bien les idées suicidaires, les tentatives de suicide que les suicides et les liens avec les comportements à risques (scarifications, alcoolisation, harcèlement, etc.), ainsi que leur prévention.

 

Au terme de cet appel, quatre projets ont été financés :

Philippe Lemoigne, Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé Mentale et Société

Payer de sa personne. Une ethnologie de la consultation pour adolescents suicidaires

La vulnérabilité des adolescents face au risque suicidaire, quelle qu’en soit la forme, est aiguisée aujourd’hui par les tensions que fait naître la personnalisation croissante de la vie sociale, chacun étant sous ce jour conduit à devenir l’auteur de son action. Pour saisir l’impact de ces tensions, une étude par facteurs ne peut suffire, d’où le projet d’étudier dans le détail les contextes de vie des adolescents confrontés à ce risque. Deux types de tensions en particulier méritent un examen approfondi. Dans le domaine de la relation, une première tension leur impose d’être affiliés, au premier chef à leur famille, et tout à la fois de marquer leur indépendance. Or, cet équilibre entre loyauté et distance leur est parfois tout simplement impossible à trouver. Dans le domaine relatif à la réussite, les adolescents sont invités à des investissements scolaires ou professionnels dont ils ne peuvent immédiatement mesurer les retombées, d’où le développement chez eux de conduites guidées par l’exercice d’une autorité sur soi, susceptibles de déboucher sur des situations inextricables (marginalisation, violence, harcèlement, toxicomanie, anorexie, etc.). Pour rendre compte de ces processus, cette recherche propose d’observer la consultation de deux services hospitaliers de pédopsychiatrie, l’un situé à Tours, l’autre, à Rouen. Dans la mesure où la première unité est d’abord axée sur la gestion des problèmes familiaux, tandis que la seconde reçoit davantage d’adolescents issus de la Protection de l’Enfance, il s’agira de pouvoir couvrir l’ensemble des problématiques suicidaires isolées, par hypothèse, par le projet. L’objectif final sera de restituer une typologie des situations à risque, dans le but de favoriser l’aménagement d’autres voies de sortie pour ces jeunes, susceptibles de prévenir chez eux l’accès et la récidive suicidaires.

 

Cynthia Morgny, Fédération nationale des observatoires régionaux de santé

Parcours des jeunes suicidaires et suicidants : impact des actions et dispositifs de prévention du suicide

Si on assiste à une multiplicité des actions de prévention du suicide, la lisibilité territoriale à la fois des publics visés, des spécificités des actions, des évaluations menées restent au mieux fragmentées voire inexistantes. La Fnors et les ORS de trois régions proposent une étude qualitative, réalisée sur 20 mois, en partant d’expériences concrètes et du vécu de jeunes ayant exprimé des idées suicidaires, des projets de suicide ou ayant effectué des tentatives de suicide. L’objectif sera, à terme, d’analyser l’impact des ressources d’aide et actions de prévention dont les jeunes ont pu bénéficier et comment se sont articulées (ou non) ces actions avec leurs besoins. Pour cela, des entretiens individuels semi-directifs seront menés auprès de 45 jeunes de 15 à 25 ans recrutés essentiellement via des acteurs du champ social, sanitaire, éducatif et de l’insertion. L’étude visera à mettre en évidence comment les besoins ressentis des jeunes aux différentes étapes de leur parcours suicidaire ont pu trouver ou non une réponse dans des actions de prévention du suicide menées sur leur territoire, ou dans d’autres initiatives d’acteurs non formellement dédiées à cette prévention.

 

Catherine Quantin, Bio-statistiques et Information médicale, CHU de Dijon-Bourgogne

Risque suicidaire des adolescents et jeunes adultes : étude de cinq cohortes à partir des larges bases nationales de données médico-administratives

Le suicide est la seconde cause de mortalité chez les 15-24 ans. Il est nécessaire d’améliorer la compréhension des facteurs de risque d’actes suicidaires dans cette population. Ce projet de recherche utilisera les grandes bases de données médico-administratives françaises désormais disponibles pour la recherche. Il s’agira d’étudier en parallèle cinq très larges cohortes de jeunes patients âgés de 12 à 25 ans et hospitalisés pour: i) geste auto-infligé ; ii) maladie mentale sévère ; iii) maladie physique sévère ; iv) grossesse adolescente ; v) alcoolisation, accident ou blessure. Dans chaque cohorte et sur une période de 5 ans suivant l’hospitalisation index, sera réalisée une évaluation du risque de geste auto-infligés (premier ou récidive), de décès par suicide (ou accident ou maladie), ainsi que leurs facteurs de risque (âge, sexe, lieu de résidence, sévérité de la maladie somatique, type de maladie mentale, geste suicidaire violent vs. non violent, etc.) et la consommation de soins peu avant l’acte suicidaire. Ces analyses permettront de quantifier le risque suicidaire par condition et d’identifier des sous-groupes à risque suicidaire particulièrement élevé.

 

Charles Édouard Notredame, Sciences Cognitives & Sciences Affectives Laboratoire CNRS, Université de Lille

Trajectoire d’Adversité Proximale chez l’Adolescent

L’étude des trajectoires d’adversité offre une alternative à la compréhension des interactions individu-environnement du processus suicidaire. Jamais ces méthodes n’ont été exploitées pour l’étude des séquences de précipitation du geste chez l’adolescent. Cette recherche cherchera à retracer les trajectoires d’adversité proximales avant tentative de suicide (TS) spécifiques à l’adolescence. En effet, il existe au moins 2 types de trajectoires proximales d’adversité chez les jeunes suicidants se distinguant de ceux des adultes et des adolescents non suicidant. Pour cela, ce projet reposera sur le recueil auprès de suicidants de 16 à 24 ans et d’un de leurs proches des événements adverses survenus sur l’année précédant la TS. Une transformation de ces données narratives en une mesure longitudinale de fardeau d’adversité par consensus d’experts sera produite ainsi qu’une reconstitution des trajectoires par modèles de croissance mélangés, et une comparaison à celles d’adolescents non suicidant et d’adultes suicidant.

Nous contacter