Le modèle de microsimulation Ines simule la législation sociale et fiscale française, pour évaluer les effets budgétaires et redistributifs de réformes, portant sur différents prélèvements et prestations sociales. Adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de l’Insee, source de référence sur les inégalités de revenu en France, il couvre théoriquement tous les ménages résidant en logement ordinaire en France métropolitaine. Cependant, sont exclus des analyses les ménages dont la personne de référence est étudiante. En effet, les ressources des étudiants sont mal appréhendées dans l’ERFS, car certaines d’entre elles ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration fiscale : c’est le cas des aides financières reçues des parents, des bourses d’études et des revenus d’activité inférieurs à un certain seuil. Outre le fait que cette exclusion masque la vulnérabilité économique des étudiants décohabitants, elle empêche toute simulation de réforme les concernant dans Ines. Ce dossier présente la construction du module « Ines Jeunes », conçu pour étendre le modèle Ines aux étudiants.
Apparier chaque jeune à un ménage parental et simuler les ressources manquantes des étudiants
Afin de pallier le manque d’information sur les ressources des jeunes et particulièrement celles des jeunes décohabitants, des imputations et simulations sont réalisées en s’appuyant sur l’enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ), réalisée par la DREES et l’Insee en 2014 ; cette enquête recense de manière détaillée toutes les ressources des jeunes âgés de 18 à 24 ans, y compris les aides parentales. Ces données permettent de simuler des ressources et de confronter les résultats obtenus dans l’ERFS avec des données de référence.
La méthode présentée dans ce dossier consiste à apparier, dans l’ERFS, à chaque jeune interrogé en logement autonome un pseudo-ménage parental sélectionné sur un ensemble de caractéristiques sociodémographiques. Cela permet de disposer de l’ensemble des caractéristiques du ménage parental, en particulier ses revenus, utiles pour les règles de calcul des bourses sur critères sociaux (BCS) notamment. Ces caractéristiques, ainsi que d’autres informations issues de l’ENRJ, sont mobilisées pour simuler l’ensemble des ressources manquantes des étudiants dans l’ERFS comme les aides financières et en nature, reçues des parents, les revenus d’activité non déclarés, les BCS et les aides au logement (AL).
L’appariement aux ménages parentaux permet d’étudier la distribution du niveau de vie des ménages parentaux des étudiants et de mieux appréhender les écarts entre différents groupes d’étudiants (décohabitants, cohabitants, bénéficiaires de BCS ou d’AL).
Le niveau de vie des parents (réels ou appariés) des étudiants âgés de 18 à 24 ans est plus élevé que la moyenne : ils sont surreprésentés parmi les 30 % les plus aisés de la population (cf. graphique 1). Le nombre d’étudiants bénéficiaires de BCS diminue globalement avec le niveau de vie parental. À l’inverse, le nombre d’étudiants bénéficiaires d’AL étudiant augmente avec le niveau de vie parental. Ces différences s’expliquent par le fait que, contrairement au calcul du droit à BCS, qui s’appuie quasi-systématiquement sur le niveau des ressources parentales, le calcul des AL étudiant ne les prend pas en compte. De plus, les AL étudiant sont réservées aux étudiants décohabitants, dont les parents ont plus souvent des niveaux de vie élevés (cf. supra).
Graphique 1 - Répartition des étudiants âgés de 18 à 24 ans, des bénéficiaires de BCS et des bénéficiaires d’AL étudiant par dixième de niveau de vie parental
Comprendre les effets d’une réforme ciblée sur les étudiants.
Cet enrichissement du modèle Ines permet de simuler des réformes concernant les étudiants et d’évaluer leur effet redistributif. Le dossier présente deux applications réalisées avec le module Ines Jeunes 2021, basé sur l’ERFS 2019. Pour la rentrée scolaire 2023, deux mesures sur les bourses sur critères sociaux (BCS) ont été mises en œuvre : l’augmentation des montants mensuels de BCS de 37 euros et la revalorisation des plafonds de ressources à hauteur de 6 %. Le modèle estime le coût global direct des deux mesures à 400 millions d’euros environ : 670 000 étudiants auraient bénéficié d’un gain annuel moyen s’élevant à 590 euros. Tous les bénéficiaires des BCS avant réforme, sur le champ d’Ines Jeune, auraient gagné à la réforme et des étudiants seraient nouvellement éligibles à la suite de la revalorisation des plafonds de ressources. La répartition par dixième de niveau de vie parental des gagnants reflète celle des bénéficiaires de BCS avant la réforme, c’est-à-dire que 80 % des gagnants ont un niveau de vie parental inférieur au niveau de vie médian (cf. graphique 2). Les nouveaux bénéficiaires seraient moins concentrés dans le bas de la distribution des niveaux de vie parentaux.
Graphique 2 - Répartition des étudiants gagnants et des étudiants entrants avec la réforme par dixième de niveau de vie parental
La création du module Ines Jeune permet aussi d’explorer les effets d’un scenario hypothétique de modification du mode de calcul des AL pour les étudiants. Ce dossier présente deux variantes qui intègrent les ressources parentales dans le calcul de ces aides, visant à les concentrer sur les étudiants dont les parents appartiennent à des ménages modestes.