Le système socio-fiscal français soutient les personnes sans ressources et, plus que dans d’autres pays, les travailleurs modestes

Études et résultats

N° 1337

Paru le 24/04/2025

Arthur Laurendeau (DREES)
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie une étude sur la redistribution opérée par les systèmes socio-fiscaux de douze pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Cette étude compare, pour ces pays, le revenu disponible des personnes qui ne travaillent pas et sont sans ressources, et celui des actifs modestes, soit les personnes percevant la moitié du salaire moyen national. La France se situe dans une position intermédiaire en termes de soutien au revenu disponible des personnes sans ressources parmi la douzaine de pays étudiés. En revanche, elle figure parmi les pays qui assurent le revenu disponible le plus élevé pour un salaire modeste. Le système français concilie ainsi solidarité et gain substantiel à l’activité, tout comme en Espagne, au Royaume-Uni ou au Japon.


Le système socio-fiscal redistribue une partie des revenus primaires (issus du travail ou du patrimoine) entre citoyens, dans des proportions variables selon les pays. Parmi les différentes formes de redistribution possibles, cette étude porte spécifiquement sur les politiques de soutien aux revenus des personnes d’âge actif les plus modestes, via des prestations de solidarité. L’étude porte sur douze pays de l’OCDE : huit pays européens (France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Italie, Autriche, Pologne, Suède) ainsi que la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis et le Canada. Plusieurs cas-types sont comparés entre ces pays, en mobilisant le modèle TaxBEN (tax-benefit model, outil développé par l’OCDE) pour l’année 2023. L’étude se concentre sur les ménages sans enfant, en distinguant les couples des personnes seules, et selon que ces ménages sont sans ressource, ou qu’ils gagnent la moitié du salaire moyen (soit l’équivalent du smic en France). Elle analyse les prestations sous conditions de ressources, auxquelles ont droit ces ménages, les prélèvements directs qu’ils acquittent et leur niveau de revenu disponible.


La plupart des pays soutiennent le revenu disponible des personnes seules sans ressources

En France, une personne seule sans emploi et locataire bénéficie du revenu de solidarité active (RSA) et des aides au logement. Tous les pays considérés disposent de prestations de ce type : des aides au logement et/ou des transferts en espèces non affectés à un poste de dépense spécifique. Conditionnés au revenu ou non, ceux-ci peuvent prendre la forme de minima sociaux, comme le RSA en France ou l’allocation citoyenne (Bürgergeld) en Allemagne, ou de crédits d’impôt sur le revenu, comme au Canada. Au total, l’ampleur de ce soutien varie considérablement selon les pays : aux États-Unis, une personne seule sans emploi dispose d’un revenu équivalent à 8 % du revenu d’un salarié payé au salaire médian, contre 47% en Suède. Comme les autres pays d’Europe de l’Ouest, la France est dans une position intermédiaire : le revenu d’une personne seule sans ressources y est de 39 % du revenu d’un salarié payé au salaire médian, soit 820 euros par mois. Les aides sont plus élevées pour un couple que pour un célibataire, mais elles ne sont pas multipliées par deux, car vivre à deux induit certaines économies d’échelle (loyer…).

 

En France ou au Japon, une personne seule avec un faible salaire à temps plein dispose d’un revenu disponible plus élevé

L’étude porte également sur les personnes qui gagnent un salaire égal à 50 % du salaire moyen de leur pays : en France ou en Allemagne, ce niveau de rémunération est proche d’un travail à temps plein au salaire minimum. Dans la moitié des pays étudiés, ces personnes peuvent encore bénéficier de prestations sociales : il peut s’agir de minima sociaux dont le montant diminue avec les ressources (Japon, Royaume-Uni), d’aides au logement (Espagne, Italie) ou de dispositifs de soutien au revenu des personnes en activité comme en France (prime d’activité) ou en Suède. Dans tous les pays étudiés, ces personnes s’acquittent de prélèvements d’un montant variant de 10 % de leur salaire en Corée à 35 % au Japon. Il s’agit de cotisations sociales et/ou d’impôt sur le revenu ; en France, cela inclut notamment la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Au total, une personne seule avec ce niveau de salaire (équivalent au smic) dispose d’un revenu disponible allant de 79 % du revenu disponible d’un salarié au salaire médian au Japon – 77 % en France – à 58 % en Allemagne.

 


Les systèmes socio-fiscaux français, espagnol, anglais et japonais soutiennent à la fois les personnes sans ressources et les travailleurs modestes

Au terme de l’analyse, l’étude propose une typologie : 

  • Un premier groupe de pays, constitué de la Pologne, du Canada et des États-Unis, soutient très peu les personnes sans travail et sans ressources ainsi que les actifs modestes. Le gain au travail y est fort puisque la solidarité à l’égard des personnes sans emploi y est faible.
  • Un deuxième groupe (France, Espagne, Royaume-Uni, Japon) soutient les personnes sans ressources, mais également les actifs ayant une rémunération de l’ordre d’un salaire minimum à temps plein, ce qui assure un gain substantiel à l’activité. Au sein de ce deuxième groupe, la France aide un peu moins les personnes sans ressources et un peu plus les travailleurs modestes.
  • Enfin, un troisième groupe (Allemagne, Autriche, Italie, Corée du Sud et Suède) se situe dans une position intermédiaire : ces pays aident les personnes sans ressources dans une proportion comparable au deuxième groupe, mais ils soutiennent moins les revenus des actifs modestes. Le gain au travail pour un actif travaillant à temps plein pour un salaire modeste y est donc plus faible que dans les deux autres groupes de pays.