Estimer les besoins locaux de prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées

Paru le 03/12/2021

La DREES a engagé en 2021 un partenariat avec l’Institut des politiques publiques (IPP) afin de développer de nouveaux indicateurs statistiques et d’améliorer la connaissance des besoins et de l’offre d’accompagnement des personnes âgées au niveau local, ainsi que de l’adéquation entre les deux. Ce projet vise notamment à calculer, au niveau communal, des indicateurs d’accessibilité potentielle localisée (APL) aux diverses structures d’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie. Ces indicateurs permettent de s’affranchir des limites administratives entre les communes ou les départements en tenant compte également de l’offre et des besoins dans les communes environnantes.

 

Ce projet de recherche, intitulé « Prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées : estimer les besoins locaux », se décline en trois axes.

Axe 1 : Estimation des besoins de prise en charge des personnes âgées dépendantes au niveau communal.

Le premier axe s’attache à estimer et cartographier les besoins de prise en charge au niveau communal. La démarche habituelle pour évaluer une « demande potentielle » adressée aux acteurs de la prise en charge consiste généralement à raisonner sur la population par tranche d’âge : par exemple, le nombre de personnes de 60 ans et plus, ou le nombre de personnes de 75 ans et plus. Cependant, cette approche reste frustre car elle suppose que les personnes de la catégorie d’âge considérée ont toutes besoin de l’offre, indépendamment du besoin réel de prise en charge. Or, le besoin varie selon le degré de perte d’autonomie, les revenus disponibles, et plus généralement selon les caractéristiques socio-économiques des personnes.

Ce premier axe a donc pour finalité d’affiner l’estimation de la demande potentielle au niveau local, via la prise en compte de toutes les informations disponibles au niveau local et potentiellement corrélées aux besoins. À cette fin, les enquêtes Capacités, Aides et REssources des seniors (CARE) en ménages et en institution appariées avec les sources fiscales et sociales seront mobilisées, et on utilisera des méthodes économétriques pour modéliser la perte d’autonomie, compte tenu de variables telles que le sexe, l’âge, le statut matrimonial, le lieu de naissance, et les caractéristiques socio-économiques des personnes. Les résultats de ces estimations devront permettre d’estimer le nombre potentiel de personnes dépendantes par commune, selon plusieurs degrés de perte d’autonomie (valeurs sur les différents axes de la grille AGGIR, GIR, limitations fonctionnelles physiques, cognitives et sensorielles, restrictions d’activité de base, instrumentale ou générale). Il s’agira d’appliquer ensuite les estimations obtenues à des données exhaustives (FIDELI) pour modéliser la perte d’autonomie sur toute la population française âgée de 60 ans ou plus. Ces premiers travaux permettront d’estimer in fine le besoin de prise en charge dans une métrique commune telle que le nombre d’heures nécessaires pour prendre en charge la perte d’autonomie des personnes âgées par commune (conversion de la perte d’autonomie en nombre d’heures d’aide). Cela permettra de cartographier plusieurs indicateurs de besoin de prise en charge au niveau local.

Axe 2 : Estimation de l’offre de prise en charge à destination des personnes âgées dépendantes au niveau communal.

Le second axe du projet a pour objectif d’apprécier et de cartographier l’offre sur le territoire, à l’échelle communale. L'objectif est de couvrir un périmètre large de l’offre de prise en charge de la perte d’autonomie et de quantifier, in fine, l’offre à destination des personnes âgées dépendantes fournie par les professionnels suivants :
-    Les employés de service d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et de service polyvalent de soins à domicile (SPASAD) ;
-    Les employés de particuliers employeurs ;
-    Les infirmières et aides-soignantes ;
-    Les infirmières et aides-soignantes de service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;
-    Les professionnels de services d’Hospitalisation à domicile (HAD) ;
-    Les professionnels de soins de suite et de réadaptation (SSR) ;
-    Le personnel soignant des accueils de jour ;
-    Le personnel soignant en Hébergement temporaire ;
-    Le personnel et les places en résidences-services ;
-    Le personnel en résidence autonomie ;
-    Le personnel en hébergement permanent.

Les analyses chercheront à les ventiler selon les caractéristiques des structures ou professionnels considérés leur statut juridique (public, privé à but non lucratif et privé à but lucratif), leur secteur : heures liées aux soins (infirmières libérales, SSIAD, personnel médical des EHPAD...) ou heures liées à l’accompagnement social (SAAD, personnel médico-social des EHPAD…), et pour l’hébergement selon s'il s'agit de places habilitées à l’aide sociale ou non.

Afin de couvrir l’ensemble de l’offre disponible, il s’agira de recenser les sources statistiques existantes et d’identifier les possibles double-comptes ou manques de chacune.

Axe 3 : Mesure de l’adéquation de l’offre aux besoins de prise en charge de la perte d’autonomie.

Ce dernier axe a pour objectif de mesurer l’adéquation de l’offre aux besoins de prise en charge de la perte d’autonomie, et ce en utilisant des indicateurs statistiques (les indicateurs d’accessibilité potentielle localisée – APL) qui s’affranchissent des limites administratives en prenant bien en compte le fait qu’une personne âgée peut être accompagnée par les structures situées non seulement dans la commune où elle réside, mais aussi dans des communes environnantes. Il s’agira d’évaluer si l’offre existante est adéquate de façon globale, et quelles sont les disparités entre les territoires en la matière. Plus précisément, le travail consistera à mener une réflexion sur les fondements théoriques et méthodologiques de l’élaboration d’un indicateur global « adéquation des moyens aux besoins de prise en charge » des personnes âgées dépendantes au niveau local.

Une revue de littérature à la fois sur les fondements théoriques et méthodologiques sur le sujet est nécessaire. La réflexion sur les fondements théoriques consiste à s’interroger en particulier sur la question de substituabilité entre certains services (prise en charge en établissement versus soins, aides et accompagnement au maintien à domicile) et sur le caractère non-substituables de certains modes de prise en charge (par exemple, dans le cas de personnes très dépendantes, aucun autre mode de prise en charge rendant les mêmes services ne peuvent se substituer à une prise en charge en établissement d’hébergement de longue durée). Concernant les fondements méthodologiques, il conviendra de rechercher les clefs de conversion adéquates pour tenir compte dans un indicateur global de mesures de l’offre qui diffèrent (nombre de places, nombre d’heures, etc.).

Les travaux menés, une fois les bases théoriques et méthodologiques posées, conduiront à proposer une méthode pour l’estimation d’un indicateur global qui, d’un côté, tient compte des besoins de prise en charge (estimés localement dans le cadre du premier axe du projet), de l’autre intègrera dans une même métrique l’ensemble de l’offre existante, qu’elle soit à domicile ou dans un établissement d’hébergement.

Diffusion :
Le projet a été engagé en 2021 et doit se poursuivre jusqu’à fin 2022. Il donnera lieu à plusieurs publications. La production des indicateurs sera automatisée afin que leur production soit reproductible (estimations sur d’autres années, d’autres domaines, d’autres sous-champs). Les scripts réalisés pour produire ces indicateurs seront diffusés en opensource.

Pour en savoir plus :
-    Indicateurs APL réalisés sur les professionnels de santé.

- Amélie Carrère (Institut des politiques publiques et Institut national d’études démographiques), Nadège Couvert et Nathalie Missègue (DREES), Un nouvel indicateur pour mesurer l’accessibilité géographique aux structures médico-sociales destinées aux personnes âgées, Les Dossiers de la DREES n°88, Décembre 2021

- Accessibilité potentielle localisée (APL) aux structures médico-sociales destinées aux personnes âgées