Le système de retraite français repose sur deux dimensions : une dimension contributive, qui établit les droits à pensions en fonction des cotisations versées, et une dimension non-contributive, ou de solidarité, qui permet l’octroi de droits additionnels à certains assurés sans lien direct avec les cotisations acquittées. Ces dispositifs de solidarité permettent de majorer les niveaux de pension ou d’anticiper le départ à la retraite. Grâce à l’échantillon inter-régime de retraités (EIR), la DREES dispose d’une source de données très riche, comprenant l’ensemble des droits à pensions et conditions de liquidation d’un échantillon représentatif de pensionnés. La vague 2020 de cet échantillon permet d’actualiser l’estimation du poids de la solidarité dans les dépenses de retraite. Ainsi, les dispositifs de solidarité représentent 20 % des pensions versées au titre des droits directs en 2020 (60 milliards d’euros sur 295 milliards d’euros) et concernent 88 % des retraités (14,7 millions sur 16,7 millions).
Les dispositifs de solidarité peuvent être regroupés en cinq grandes catégories :
Départs anticipés. Certains assurés peuvent partir à la retraite avant l’âge d’ouverture des droits (AOD) de droit commun, en raison de situations familiales spécifiques, de carrières longues, de motifs de santé, d’exposition aux risques ou du métier exercé (catégories actives de la fonction publique). Au 31 décembre 2020, 4 % des retraités sont en situation de départ anticipé et ces dispositifs représentent 4,4 % des dépenses de pensions.
Les majorations de pension pour parents de 3 enfants. Elles profitent à 39 % des retraités et représentent 3 % des dépenses de pensions.
Minima de pension. De nombreux régimes (régimes alignés, fonction publique, régime des exploitants agricoles) garantissent un minimum de pension pour les assurés ayant liquidé leur retraite à taux plein. En 2020, 36 % des retraités (6,0 millions) ont bénéficié de ces minima, qui représentent 3 % des dépenses.
Points gratuits, périodes assimilées et majorations de durée d’assurance. Ces dispositifs compensent des interruptions de carrière liées à la parentalité (majoration de durée d’assurance pour enfant et assurance vieillesse des parents au foyer [AVPF]) ou des périodes de privation involontaire d’emploi (chômage, service militaire, maladie, maternité, etc.). Ils permettent d’atteindre plus facilement le taux plein et d’améliorer le niveau de pension via la proratisation. Les points gratuits jouent un rôle similaire dans les régimes complémentaires. L’ensemble de ces « droits gratuits » constituent 10 % des pensions de droit direct versées et concernent 72 % des retraités.
Liquidation à taux plein pour invalidité ou inaptitude. Dès l’âge d’ouverture des droits (62 ans en 2020), les assurés reconnus invalides ou inaptes à travailler peuvent bénéficier d’une retraite à taux plein indépendamment de leur durée validée. Cette mesure bénéficie à 9 % des retraités, pour un apport total inférieur à 1 % des dépenses.
Entre 2016 et 2020, la part des dispositifs de solidarité dans les pensions de retraite a légèrement diminué, passant de 22 % à 20 % des dépenses de droit direct. Cette baisse s’explique en grande partie par la réduction progressive du poids des départs anticipés.
Les dispositifs de solidarité présentent des effets très variables selon les régimes de retraite. Le poids de la solidarité est de 28 % au régime général, 11,6 % à la fonction publique d’État civile et 13 % à l’Agirc-Arrco.
Les dispositifs de solidarité représentent un apport plus important dans les pensions de droit direct des femmes, à hauteur de 26 % contre 16 % chez les hommes. En effet, les bénéfices moyens sont un peu plus importants pour les hommes mais, les pensions des femmes étant plus faibles, les dispositifs de solidarité représentent une part plus importante de leur pension. Les femmes bénéficient plus des minima de pension et des droits familiaux (hors majoration de pension pour enfants). À l’inverse, les hommes profitent davantage des départs anticipés pour carrières longues ou au titre des catégories actives de la fonction publique. Globalement, la redistribution via la solidarité atténue les inégalités entre les hommes et les femmes : l’écart de pension moyenne fin 2020 passe de 45 % à 37 %.
La solidarité joue un rôle particulièrement important pour les parents de familles nombreuses, surtout pour les mères, pour lesquelles la solidarité constitue jusqu’à 66 % du total des pensions versées pour celles ayant au moins cinq enfants. Les parents de trois enfants ou plus bénéficient de droits familiaux spécifiques, tels que les départs anticipés pour motifs familiaux et les majorations de pension. Les femmes ayant plusieurs enfants profitent d’une meilleure proratisation (et donc d’une meilleure pension) grâce aux trimestres gratuits (majoration de durée d’assurance pour enfants notamment) et à l’AVPF. Si les hommes ne bénéficient que marginalement de dispositifs comme l’AVPF et les trimestres de majoration, ils concentrent la majeure partie de l’apport monétaire de la majoration de pension pour enfants, compte tenu de son caractère proportionnel et de leurs pensions en moyenne plus élevées.
La part des dispositifs de solidarité est plus élevée parmi les retraités les plus âgés, dépassant 20 % au-delà de 83 ans (générations 1937 et précédentes), contre moins de 16 % pour les plus jeunes générations (nées en 1947 ou après). Cette baisse du poids de la solidarité dans les pensions en dix ans s’explique par l’importance décroissante des droits familiaux et des minima de pension, notamment en lien avec la baisse de la fécondité et la hausse de la participation des femmes au marché du travail.
La solidarité constitue une plus grande proportion des pensions chez les plus modestes. Cette part s’élève à 53 % pour les retraités situés dans le premier quart de niveau de pension, c’est-à-dire les 25 % des pensionnés les plus modestes, contre 13 % pour ceux situés dans le dernier quart, c’est-à-dire les 25 % des pensionnés les plus aisés. Les minima de pension, majorations de durée d’assurance pour enfants, trimestres assimilés et AVPF sont les dispositifs les plus redistributifs, apportant des compléments significatifs aux revenus des retraités modestes.
Toutefois, les masses de prestations versées au titre de la solidarité sont plus élevées chez les plus aisés. Les retraités aux revenus moyens à élevés profitent davantage des départs anticipés pour carrières longues (qui exigent une carrière complète) ou au titre des catégories actives. Enfin, compte tenu de leur caractère proportionnel, les majorations de pension pour parents de trois enfants ou plus constituent un apport monétaire plus concentré parmi les retraités les plus aisés.