Comment avez-vous connu la DREES ?
![]() | Je pense que mon premier contact avec la DREES a dû se faire par la statistique annuelle des établissements de santé (SAE). Je me suis toujours appuyé sur ces données. Encore aujourd’hui, lorsqu’un directeur d’hôpital me dit qu’il a besoin de connaître l’activité de l’hôpital voisin, je le renvoie sur la SAE. On peut télécharger les données et les tableaux pour les retravailler, c’est vraiment très précieux. |
Par ailleurs, dans le cadre de mes fonctions d’urgentiste, je suivais également de manière régulière vos travaux sur les urgences, les soins non programmés et le fonctionnement des établissements de santé. Ensuite, du fait de mes responsabilités ministérielles, je me suis intéressé aux travaux donnant une vision d’ensemble du système de santé. S’appuyer sur ces données permet de donner une certaine puissance à la discussion.
Y a-t-il des études ou des travaux qui vous ont particulièrement marqué ?
Je suis avec attention les études sur l’état de santé de la population, j’utilise également le Panorama sur les dépenses de santé pour nourrir les échanges avec des professionnels de santé ou des décideurs politiques. Cela permet de savoir ce qui se passe vraiment, avec des données chiffrées. La DREES est en fait le tensiomètre du système de santé.
Je me souviens également du Dossier de la DREES paru en 2021 sur les pénuries de médecins dans certaines zones, qui mettait en perspective les stratégies déployées dans différents pays pour lutter contre ces pénuries et analysait les résultats obtenus. Cette étude, que j’ai trouvée remarquable, très documentée et précise, revenait également sur les déterminants de l’installation des médecins. Elle m’a beaucoup servi et me sert encore dans les discussions sur les déserts médicaux, quand il s’agit de lutter contre les fausses bonnes idées, comme l’obligation d’installation par exemple.
Comment voyez-vous la DREES ?
La DREES est une direction au service du ministère et des professionnels. C’est un thermomètre pour le ministre en charge de ces sujets afin de suivre les évolutions, car elle fait une analyse de la situation, mais également des projections. La DREES apporte les outils et les arguments qui permettent de construire une politique publique, fournit le substrat pour prendre les bonnes décisions. Les autres directions du ministère l’ont désormais compris.
Ses enquêtes permettent de suivre les mutations du système de santé, avec parfois une maille géographique très fine. Ce sont des sources extrêmement précieuses. Ce qui est intéressant également, c’est de dépasser la vision centrée uniquement sur l’offre de soins et de mettre en regard l’offre avec des données sur les besoins de la population selon les territoires, comme vous le faites dans certains travaux. C’est important, car le véritable enjeu n’est pas l’offre de soins mais la réponse aux besoins de santé de la population. Il faut donc avoir des données sur les besoins de santé de la population, sur l’offre de soins et sur les coûts, et la DREES est la seule à pouvoir les apporter. Elle est unique dans son fonctionnement et dans ce qu’elle apporte.
Vous faisiez partie du comité scientifique de la précédente enquête Urgences en 2013. Qu’attendez-vous de l’édition 2023 ?
J’ai participé à l’organisation de l’enquête de 2013 et suivi celle de 2023 et j’ai vu la progression. L’édition de 2023 est encore plus pointilleuse, d’une précision chirurgicale. On voit qu’il y a un énorme travail derrière.
Je n’aime pas le terme de « crise des urgences », le système de santé est en pleine mutation et les urgences sont au centre. Et donc forcément très impactées. C’est un sujet sur lequel on a vraiment besoin d’y voir plus clair et d’avoir des éléments objectifs pour changer de paradigme. Quand on sait d’où l’on vient, on sait un peu plus facilement où l’on va… Les données que la DREES produit montrent le chemin qu’on prend. J’espère que mes collègues s’appuieront sur ces enquêtes.
On voit par exemple, dans les publications de la DREES portant sur les résultats de l’enquête Urgences 2023, le rôle pris par les infirmières d’accueil et d’orientation. Il y en avait très peu il y a quelques années, mais quasiment partout aujourd’hui… L’arrivée des infirmières en pratique avancée sera aussi intéressante à analyser dans les années à venir.
Cette interview a été réalisée dans le cadre du rapport d’activité de la DREES, à paraître en mai.
Pour aller plus loin :
- Demoly, E., et Deroyon,T. (2025, mars). Urgences : la moitié des patients y restent plus de 3 heures en 2023, 45 minutes de plus qu’en 2013. DREES, Études et résultats, 1334.
- Khaoua H., avec la collaboration de Suarez Castillo M. (2024, décembre). Passages aux urgences entre 2017 et 2023 : des dynamiques contrastées selon les départements. DREES, Études et Résultats, 1320.
- Demoly, E., et al. (2024, juillet). Urgences hospitalières en 2023 : quelles organisations pour la prise en charge des patients ? DREES, Études et Résultats, 1305.
Crédit photo : Ministères sociaux/ DICOM/ Tristan Reynaud/ Sipa Press