Pratiques et conditions d’exercice des médecins généralistes - Colloque du 9 novembre 2017 à l'Académie nationale de médecine de Paris

Paru le 09/11/2017

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), en partenariat avec l’Observatoire régional de la santé Provence-Alpes - Côte d’Azur, a organisé ce colloque pour éclairer plusieurs questions :
- Quelle adaptation des pratiques des médecins généralistes pour la prise en charge des patients en situation de « vulnérabilité sociale » ?
- Spécialisations informelles en médecine générale : exemples de la gynéco-obstétrique et de la sexologie
- Le médecin généraliste face à la continuité de la prise en charge des cancers : le rôle des échanges ville-hôpital
- Impact de la densité d’offre en soins de premiers recours sur les pratiques
Cette journée a pour objectif de susciter des discussions autour des thèmes du 3e panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale, une enquête menée par la DREES en collaboration avec les Observatoires régionaux de santé (ORS) et les Unions régionales de professionnels de santé, médecins libéraux (URPS-ML) des régions Provence-Alpes - Côte d’Azur (Paca), Pays de la Loire, et Poitou-Charentes et Aix Marseille School of Economics (AMSE).

 

 

 

Session 1 - Quelle adaptation des pratiques des médecins généralistes pour la prise en charge des patients en situation de vulnérabilité sociale ?

Julien Giraud et Jacques Pisarik
Rôles et pratiques des médecins généralistes face à la vulnérabilité sociale : premiers résultats de la vague 5 du panel
Le médecin généraliste apparaît à différents égards comme le professionnel de santé le mieux placé pour dispenser des soins préventifs et mettre en oeuvre une prise en charge différenciée selon la vulnérabilité sociale du patient. Ainsi, le repérage des patients socialement vulnérables pourrait, en théorie, permettre au généraliste d’adapter ses pratiques (adaptation des messages, du déroulement des consultations, collaboration avec d’autres professionnels, mise en place d’outils spécifiques…) et contribuer à la réduction des inégalités sociale de santé. Les analyses réalisées à partir de la vague 5 du Panel 3 contribueront à renseigner l’hypothèse de pratiques de prise en charge différenciées selon la vulnérabilité sociale du patient et de liens éventuels entre ces pratiques et les données contextuelles d’exercice de la médecine générale (individuelles et territoriales).
- Rôles et pratiques des médecins généralistes face à la vulnérabilité sociale : (...)

Gladys Ibanez
Que font les médecins généralistes face aux patients présentant des vulnérabilités sociales ?

Une étude qualitative a été menée à partir de 15 entretiens et de deux focus groupes entre juin 2015 et décembre 2016 en région parisienne. Ce travail a identifié trois niveaux d’adaptation : dans la prise en charge individuelle des patients (formation, repérage des situations à risque, approches systématiques en prévention, adaptation de la communication, aménagements financiers, adaptation administrative et rédaction de certificats médicaux, parcours de soins coordonnés, conseils en matière de droits sociaux) ; dans la prise en charge collective au sein du cabinet (accès aux soins, adaptation du temps de consultation, réunions de concertations pluriprofessionnelles, mode d’exercice regroupé, accueil d’étudiants, démarche qualité) et dans la prise en charge communautaire (description de la patientèle, travail collaboratif avec les associations, le secteur social, la santé publique et les élus politiques du territoire, actions « hors les murs » du cabinet). Bien que ces prises en charge soient très présentes dans le discours des médecins et qu’elles leur confèrent un sentiment d’utilité, il existait une ambivalence des médecins face aux patients en situation sociale difficile.

- Que font les médecins généralistes face aux patients présentant des (...)

Session 2 - Spécialisations informelles en médecine générale - Exemples de la gynéco-obstétrique et de la sexologie

Jean-François Buyck et Marie-Christine Bournot
Adaptation des pratiques des médecins généralistes en situation d’offre de spécialités sous-denses. L’exemple du suivi gynéco-obstétrical

Les profils d’activité des médecins généralistes peuvent être très diversifiés, leurs pratiques étant liées à de multiples facteurs tels que le type de patientèle, les conditions d’exercice et l’offre médicale environnant le cabinet, mais aussi les propres appétences des praticiens et les compétences acquises en formation initiale et continue et tout au long de leur expérience professionnelle. Les résultats de l’enquête du Panel 3 portant sur les suivis gynécologiques et de grossesse constituent une illustration caractéristique de la façon dont les attitudes et pratiques des médecins généralistes peuvent s’adapter à ces différents éléments. Leur implication dans ces suivis varie ainsi fortement selon la région d’exercice, constat qui peut, du moins en partie, être rapproché des disparités territoriales d’offre en gynécologues libéraux. En outre, l’exercice au sein de cabinets de groupe ou de maisons de santé pluriprofessionnelles semble favoriser une forme de « spécialisation » de certains praticiens dans ce champ d’activité. Cette dynamique pourrait être amenée à se développer, voire à s’étendre à d’autres domaines, dans les années qui viennent, notamment si le recul du maillage territorial assuré par les médecins spécialistes libéraux et l’essor des structures d’exercice regroupé se poursuivent.

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Alain Giami
Les médecins généralistes et la sexualité : entre spécialisation informelle et bricolage

On propose d’explorer la question de la spécialisation informelle de la pratique professionnelle des médecins généralistes à partir du thème de la sexualité. La spécialisation en sexologie peut s’inscrire dans une stratégie de carrière, adoptée par une minorité de généralistes exerçant en France, qui se sont donné une formation. La majorité des médecins généralistes qui n’adoptent pas cette stratégie de carrière sont confrontés à la nécessité de « l’appropriation médicale » des questions liées à la sexualité en réponse aux demandes et aux plaintes exprimées par les patients. La communication proposée prend appui sur une série d’enquêtes qualitatives et quantitatives, réalisées en France entre 2002 et 2009, visant à explorer les représentations de la sexualité et les pratiques professionnelles des généralistes. Ces différentes enquêtes ont été actualisées à l’aide d’observations de terrain, d’analyses secondaires d’enquêtes et de conférences professionnelles. Ces enquêtes ont permis d’élaborer la notion de spécialisation informelle. Celle-ci prend en compte les dimensions psychosociales et subjectives, qui sont à l’oeuvre chez les généralistes dans la définition des contours de leurs pratiques, parallèlement à d’autres variables explorées dans des enquêtes démographiques. Les résultats indiquent que deux dimensions sous-tendent les interventions des médecins : le genre des médecins qui influence fortement leur « appropriation » sélective du savoir médical et la sélection implicite des patients auprès desquels ils.elles choisissent d’intervenir ou pas ; le malaise et/ou l’aisance personnelle à l’égard de la sexualité. Quatre formes de spécialisation informelle ont été élaborées, fondées principalement sur les intérêts personnels et scientifiques mais surtout les dispositions psychosociales des médecins : évitement de la sexualité ; appropriation médicale et sélection des patients selon le genre et l’aisance à l’égard de la sexualité ; pratique d’une médecine holistique ; apprentissage de la sexologie.
Ces analyses nous ont conduits à formuler l’idée selon laquelle la pratique médicale généraliste est le plus souvent fondée sur une forme de spécialisation informelle dans laquelle le généraliste sélectionne des domaines de la pratique en fonction d’une série de facteurs psychosociaux qui lui sont propres.
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Session 3 - Le médecin généraliste face à la continuité de la prise en charge des cancers - Le rôle des échanges ville-hôpital

Dominique Rey
Le médecin généraliste face à la continuité de la prise en charge des cancers : rôle des échanges ville-hôpital

Les politiques publiques de santé incitent de plus en plus à un transfert précoce de la prise en charge des patients ayant un cancer, de l’hôpital vers la médecine de ville. Le médecin généraliste devrait donc être en mesure d’assurer la continuité de la prise en charge sans rupture et répondre aux différents besoins des personnes atteintes.
Les médecins interrogés ont jugé globalement qu’ils ont un rôle important dans la prise en charge des patients ayant un cancer, notamment dans l’accompagnement de la fin de vie et le soutien psychologique. Ils sont de fait les premiers interlocuteurs des équipes hospitalières. Toutefois, les informations et consignes provenant de l’hôpital ne sont pas toujours adaptées à la pratique de ville : elles ne correspondent pas systématiquement aux besoins des médecins généralistes et, souvent, elles ne leur parviennent pas dans les temps. La plupart des médecins sont très investis, notamment dans le suivi à long terme des patients. Mais les deux tiers d’entre eux déclarent néanmoins être confrontés à des difficultés de prise en charge. Ces difficultés sont principalement liées à un défaut de transmission de l’information par leurs confrères spécialistes et à l’insatisfaction qui en découle.
- Le médecin généraliste face à la continuité de la prise en charge des cancers : (...)

Guillaume Coindard
Le médecin généraliste dans le parcours de soins en oncologie

Le cancer est une pathologie dont l’incidence progresse régulièrement depuis la fin du XXe siècle. Parallèlement, le temps passé à l’hôpital est de plus en plus court. Les possibilités pour le patient atteint de cancer de mobiliser le système de soins ambulatoire sont donc de plus en plus importantes.

Entre 2012 et 2016, une recherche qualitative pluridisciplinaire anthropo-médico-sociologique a permis d’interroger une centaine de patients atteints de cancer sur la manière dont ils utilisaient le système de soins. Les informations recueillies au cours la période vont des premiers symptômes ayant conduit au diagnostic à la prise en charge thérapeutique de leur pathologie. Nous présentons ici les représentations des patients du rôle du médecin généraliste au travers d’une approche phénoménologique.
Le médecin généraliste intervenait aux différentes étapes de la prise charge du cancer en France, du diagnostic à la prise en charge de l’accompagnement du patient pendant les traitements. Il semblait un acteur à part dans le paysage de l’organisation des soins, à la fois incontournable et invisible. Il permettait néanmoins de potentialiser le travail des autres acteurs du soin ; son absence compliquait les parcours et allongeait les délais d’intervention.
Enfin, plusieurs études ont révélé ces dernières années que de nombreux médecins généralistes souffraient d’un manque de formation, à la fois sur le plan oncologique et sur le plan de la communication. Nos résultats ont confirmé ces carences. Celles-ci deviennent un enjeu important de la formation continue, et probablement de la formation initiale.
- Le médecin généraliste dans le parcours de soins en oncologie

Session 4 - Effet de la densité de l’offre en soins de premiers recours sur les pratiques

Bruno Ventelou et Julien Silhol
Comportements et pratiques des médecins : être en zone sous-dense, cela fait-il une différence ?

Selon les projections disponibles, les effectifs de médecins libéraux diminueraient de 30 % d’ici à 2027 sous l’hypothèse d’un prolongement des tendances actuelles. D’autres facteurs, comme le regroupement des professionnels de santé ou les nouvelles attentes des jeunes médecins, viennent de plus aggraver la crainte de la disparition d’une offre locale de soins dans certains territoires. La communication proposera une étude des situations de sous-densité médicale déjà observées et de leurs liens possibles avec des comportements ou des pratiques médicales. Nous utiliserons pour ce faire les données du troisième Panel d’Observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale. Nous proposerons d’abord une méthodologie pour repérer les zones de tensions et identifier les médecins généralistes du Panel qui sont actuellement confrontés à des pénuries d’offre de soins dans leur territoire d’exercice. Nous proposerons ensuite une étude des liens entre les situations de sous-densité médicale déjà observées et l’organisation du travail des généralistes sur la semaine, y compris leurs temps dédiés aux patients et les rythmes de consultation mis en place. Nous nous intéresserons enfin plus finement à l’adaptation de leurs pratiques, lorsqu’ils sont confrontés à des situations de zones sous-denses, pour détecter d’éventuels effets sur la qualité des prises en charges ; les marqueurs de qualité de pratiques retenus reposeront notamment sur la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) et sur la prise en charge des soins gynécologiques.
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Chiara Maj
Facteurs individuels et contextuels associés à l’absence de pratique du dépistage du cancer du col par les médecins généralistes en France

Objectif
Malgré un dépistage efficace par frottis cervico-utérin, 1 102 femmes sont décédées, en France en 2012, d’un cancer du col de l’utérus. L’implication du médecin généraliste dans ce dépistage est primordiale en raison de l’évolution de la démographie médicale et des inégalités sociales d’accès au spécialiste. Notre objectif était d’étudier les caractéristiques individuelles des généralistes (personnelles et d’organisation du travail) et les caractéristiques contextuelles de leur département d’exercice (sociales et de démographie médicale) associées à la non-pratique du frottis.

Population et méthodes
Les caractéristiques des médecins généralistes libéraux exerçant en France proviennent du Baromètre santé médecins généralistes 2009. Les caractéristiques contextuelles du département d’exercice des généralistes proviennent de l’Insee et d’Ecosanté.

Résultats
Parmi 1 063 médecins généralistes inclus, 34,7 % ont déclaré ne jamais pratiquer de frottis. Les caractéristiques individuelles des médecins généralistes associées au fait de déclarer ne pas pratiquer de frottis en analyse multivariée (modèle mixte) étaient : être un homme, avoir moins de 51 ans, pratiquer régulièrement l’acupuncture (versus jamais) et l’homéopathie (versus jamais), avoir des dossiers informatisés et ne pas adhérer à un réseau de santé. Pour les caractéristiques contextuelles du département d’exercice, les généralistes sont plus nombreux à ne jamais faire de frottis dans les départements où les inégalités sociales sont plus importantes, où le temps moyen d’accès à un gynécologue est inférieur à 15 minutes, où la densité départementale de gynécologues est plus élevée et où la densité départementale de généralistes est soit plus faible soit plus élevée que la moyenne nationale.

Conclusion
Illustrant le phénomène de l’Inverse Care Law, notre étude retrouve que plus les inégalités socio-économiques et de démographie médicale sont importantes dans un département et plus les médecins généralistes se désengagent de la pratique des frottis.
- Facteurs individuels et contextuels associés à l’absence de pratique du (...)

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